«Les frontières vont rouvrir ! » … « ouain pis !»
Au moment d’écrire ces lignes, je ne sais pas trop si je vais publier ou si j’écris juste pour moi. Pour que tu saisisses la portée de ce texte, je me dois de te remettre en contexte.
Si tu sens que c’est trop pour toi, t’es pas obligé de continuer la lecture. On a toujours le choix dans la vie.
En mars 2020, quand la pandémie a éclaté ici au Québec, Chris venait de quitter Montréal le 23 février et il revenait le 23 mars, dans à peine un mois … On s’est rencontré au Cirque du Soleil en 2016 et ça faisait déjà 3 ans ½ qu’on était séparé ensemble. On voyageait pas mal entre Montréal et les USA, selon où il était, selon les contrats de chacun … ça nous prenait un document excell pour nous aider à suivre parfois. On aimait vraiment notre vie.
Donc, le 16 mars, tout comme toi, ça été le choc. C’était surréel mais temporaire. On s’est appelé sur facetime (on utilisait pas encore zoom), on était sous le choc mais on s’est dit, comme toi : « on va attendre, ça va durer 2 semaines et on va se voir de toute façon le 23. »
Et Boum le 21 mars, les frontières terrestres américaines fermaient définitivement. Honnêtement, j’ai juste l’image d’une guillotine c’était ça le feeling en-dedans … On nous coupait notre liberté comme on coupait la tête des malfaiteurs au temps du Moyen âge. C’était puissant comme annonce. On nous coupait tout moyen de nous retrouver … Notre liberté d’être ensemble… jamais j’aurais pu imaginer ça. Nous n’étions pas essentiel … nous n’étions pas marié, ni conjoint de fait, clairement puisque nous ne vivions pas ensemble non plus … une autre évidence évidente. La loi nous interdisait notre relation … (soupir)
«Ça ne peut pas durer» … avril, mai, juin … le temps pesait lourd. On plaçait tous les 21 à l’agenda et on croisait les doigts en fermant les yeux. Je croyais fort aux licornes et aux arc-en-ciel. La majorité des gens ni voyait aucun inconvénient à part le voyage reporté à l’an prochain ou la livraison Amazone en retard de 2 semaines. C’est chiant mais pas si pire. On s’occupait, on ne parlait plus de nos projets de voyages… on a tout mis sur la glace … et on a attendu beaucoup. En juin … Chris a trouvé le groupe Faces of advocacy … on devait être 200 humains dans la même situation à travers le Canada, séparés de nos partenaires, de nos familles … Enfin, on était pas les seuls à vivre cette séparation ! Quelle soulagement sérieux. Ça n’a pas pris beaucoup de temps pour que la guerrière en moi prenne le lead. Je me suis impliquée rapidement dans le groupe et pour la cause et en juillet … on passait au téléjournal de 18h à Radio Canada. C’était insoutenable, mais je l’ai fait parce que c’était au-delà de moi. En août, le reportage de … Chris et moi de chaque côté de la barrière de Stanstead a été percutant. On avait une image forte pour faire bouger les choses. Nous demandions (Faces of Advocacy) une exemption pour les couples Non-mariés bi-nationaux. En octobre, le 9 octobre précisément, on gagnait notre cause. On avait enfin le fameux document qui allait nous réunir malgré la Covid et pue importe la fermeture des frontières, parce que c’était possible de le faire de manière sécuritaire et on l’avait prouvé. Ça devait prendre 14 jours pour avoir une réponse. Accessoirement le 14 octobre, je transférais ma mère en CHSLD (ça sera un autre billet). On a donc envoyé notre demande d’exemption assermentée (IMM0006) le 19 octobre. (… ) En novembre, je donnais encore des entrevues à la radio et à la télé en croisant les doigts chaque matin en ouvrant l’ordi avant d’ouvrir les yeux pour voir si le foutu papier était là… jusqu’à ce que je me tanne. Ça n’avait pas de sens cette attente interminable, le 14 jours de livraison était passé. J’ai donc contacté ma députée fédérale et c’est de cette façon avec leur aide qu’on a réalisé que le document avait été perdu dans le système … ça aura pris 48 jours … pour avoir enfin une réponse officielle. Le dossier est inexistant. Après avoir fait et refait les recherches à Immigration Canada. Le 23 décembre, j’apprenais que je devais refaire la démarche au complet (pas si pire un PDF de 2 pages à faire assermenté un foutu 23 décembre !). Je ressens encore la panique dans mon corps, mon système nerveux flanchait, encore. J’ai réussi à faire assermenté le document le 23 décembre au soir (merci mon réseau de feu). J’étais détruite. Pas besoin de te dire que ce noël là il n’existe pas dans mon univers. (Fast foward) C’est donc le 7 janvier 2021 que nous avons eu le ok ! Je n’en revenais pas, je me suis pincée et j’ai refermé ma boîte courriel 3 fois pour voir si le mail allait disparaître. On avait enfin le droit de se retrouver. Après les dédales avec ma députée fédérale… On réalisait ce matin-là que c’était le document du mois d’octobre qui avait été miraculeusement trouvé et qu’on nous retournait comme preuve à fournir. (Incroyable… la maison des fous dans Astérix) Donc, les démarches du 23 décembre avaient été inutiles.
325 jours plus tard … le 15 janvier 2021, Chris et moi on se retrouvait ici à Montréal, dans mon minuscule appart vraiment heureux de nous enfermés en quarantaine, pour la première fois.
Lui amaigrit par l’angoisse et le stress… et moi étirée et fatiguée émotivement. Oh ! well 2020… tu nous auras fait vivre des montagnes russes … et on aura cru en l’amour… mais tous les effets co-latéraux nous ont rentré dedans. En mars 2021, quand on s’est séparé à nouveau, on se rappelle que les frontières terrestres étaient toujours fermées et que nous avions une exemption encore valide jusqu’au 7 juillet 2021. On a choisi de ne pas choisir quand on allait se revoir. C’était trop angoissant de faire des plans. J’avais la conviction que ça allait encore durer et que tout allait s’écrouler si on planifiait quoique ce soit. Alors, un non-choix conscient.
C’était plus doux d’attendre et espérer que ça allait être moins pire… l’exemption allait se terminer le 7 juillet … Chris allait probablement revenir. On avait déjà survécu à 325 jours, on était bien entraîner à prendre nos cafés zoom matinaux et à se supporter dans nos quotidiens à distance.
C’est donc le 22 juin 2021 … que nous avons débuté notre 2ème quarantaine obligatoire de l’année. Malgré le fait qu’il soit doublement vacciné et qu’il ait fait un test Covid hebdomadaire depuis mars (exigence de l’état du Vermont et de l’école de Cirque)… toujours négatif. Les règles ici n’avaient pas changé. On devait se conformer. C’était en pleine série du Canadien, la ville au complet était dehors… et nous on respectait les règles à la lettre. 14 jours ferme, pas même sortir sur le balcon quand la voisine sortait fumer.
On réalise après coup tout le stress et l’ampleur de la situation.
2020, la pandémie et la Covid vous nous avez eu.
On est épuisé et on ne se reconnait plus. Nos rêves de voyages sont morts dans le tiroir et on a peine à se projeter vers l’avant. La relation en a mangé un coup, malgré les nombreux efforts surhumains pour maintenir le lien. Nous sommes épuisés.
Après quelques jours de réalisation, de tentative de re-connexion, nous avons choisi d’être brutalement honnête. Nous en sommes arrivés à un commun accord, quand même le cœur déchiré, que c’était plus léger de mettre fin à la relation. (… ) C’était ce qui nous rendait le plus heureux individuellement et ensemble. On choisissait de se rendre notre liberté … parce que la situation était devenue insoutenable. Les poings et les chevilles liées on en pouvait plus.
Oui l’amour vaincra … oui l’amour a vaincu … je ne pouvais pas m’imaginer qu’il renonce à ses rêves ni moi aux miens. Nous étions des voyageurs… ensemble tout devenait complexe et séparément … on retrouvait nos ailes. Un fabuleuse preuve d’amour.
Ce fut déchirant et ça l’est encore.
Les frontières terrestres sont ouvertes … je n’ai pas d’opinion … j’ai de la frustration et de la colère … encore, ça s’estompe doucement. J’ai besoin de digérer encore et de guérir.
Beaucoup de frustration de ne pas avoir été reconnue dans ma relation atypique … de m’être fait répondre « mariez-vous » … Ce n’est pas tout d’ouvrir les frontières et de faire comme si de rien n’était. Ça prend du temps de guérison.
Ce soir, je te raconte cette histoire, notre histoire parce que ça m’aide à guérir et à pardonner. Je ne suis pas contre les mesures qui ont été mises en place et la fermeture des frontières. Je suis contre la fermeture des consciences.
Il serait bien de reconnaître toutes les familles qui ont énormément soufferts et qui souffrent encore actuellement.
On ne choisit pas de qui on est amoureux … on ne peut pas juger la vie des autres sans avoir au moins un brin d’infos. Je souhaite plus d’ouverture de conscience
Je me suis sentie très seule, je me suis aussi beaucoup isolée, heureusement j’ai un bon réseau, de fabuleuses amies, des ressources incroyables et j’ai rayonné pour faire le bien autour de moi. Et surtout, Chris était là. Toujours là.
Merci à vous tous qui nous avez supporté pendant cette tempête horrible.
Merci David, Faces of Advocacy et toute l’équipe.
Je vous souhaite d’être brutalement honnête avec vous-même.
L’amour vaincra toujours.
Karine AKA Ganga
Namaste
Photo : Mikaël Theimer