J’ai 40 ans et je prends ma retraite / 23 juillet 2018 | Vêtements Mandala

En mai dernier, j’ai fait mon quatrième cours Vipassana, à Montebello (10 jours de méditation en silence); c’est toujours intense, ce genre d’affaires là, même si c’était la quatrième fois que je vivais l’expérience. Ça dépend toujours dans quel état tu arrives. Mais ce ne sera pas ici l’objet de ce texte… Je partagerai plutôt les nombreuses claques dans’ face que j’ai reçues pendant ce séjour silencieux.

Parce que oui, être en silence, c’est difficile, mais c’est pas le silence comme « entendre tout ce qui se passe en dedans » qui a été difficile pour moi : les jacassements, les commentaires, les jugements, les angoisses, les obsessions, les idées, les pensées, les peurs, les terreurs, les rêves, les fantasmes… My God qu’il y a du stock là-dedans! C’est épuisant de se désintoxifier, et très confrontant. Beaucoup de souvenirs, de trucs non réglés remontent parfois sans qu’on s’y attende. Bref, je suis arrivée dans un état de fatigue extrême! En dix jours, je dois bien avoir dormi/médité/mangé la plupart du temps et mis le nez dehors 1 h 30 au total.

J’ai beau être prof de yoga (c’est pas magique c’t’affaire-là non plus, c’est un gros mythe qu’on est zen banane à l’année!), pratiquer le yoga sur et hors tapis, faire attention à moi (un peu), bouger, danser, vivre de ma passion, être « inspirante » aux yeux des autres, réaliser mes rêves un tantinet… je suis essoufflée de ma vie! Oui, et même écoeurée parfois… En fait, je me suis rendue au fameux bout du rouleau il y a de ça au moins quatre ans et j’ai continué à tirer sur la tite corde quand même…

Heureusement, j’ai un bon ressort; on appelle ça la résilience je crois, ou quelque chose de même. Je suis assez souple et j’ai une très bonne capacité à rebondir sur mes pattes… Faque quand ça pète, ça pète pas totalement. Pas de diagnostic médical ici, juste de l’observation pure, en silence. Un méchant gros bilan de vie… de mes 40 ans de vie sur terre. Oui, rien de moins.

J’ai eu 40 ans en août dernier, j’approche du 41, et diantre que ça a frappé fort. C’est clairement une étape, on le dit, on le lit, on l’intellectualise, mais le vivre, c’est pas pareil. Et là, on peut y aller du très ésotérique au plus rationnel. J’ai probablement tout exploré dans la dernière année, comme traitement physique, psychologique, énergétique et ayurvédique. Les événements se sont accumulés : des décès, du stress, des déceptions, des frustrations… « name it » comme on dit, la cour est pleine!

Avec le diagnostic d’Alzheimer de ma mère qui est tombé en décembre, le décès de Martine en janvier, le déménagement de ma mère et le décès de Yan en mars, j’ai pas eu beaucoup de break pour respirer et me prioriser depuis que 2018 est commencée. Le seul moment où je me suis sentie moi-même, c’est pendant les trois jours en janvier où j’étais en mode création, en studio, sans contrainte, sans deadline, sans attente (pas tout à fait vrai, mais tout est une question de mindset) et lors de mon road trip solo de quatre jours en juin dernier. Ça fait pas beaucoup de jours en 2018, ça…

Pendant les 10 jours de silence en mai dernier, j’ai médité bien sûr, suivi à la lettre l’horaire de moine imposé par la pratique (ce que mon côté Pita a adoré) ce n’est pas fait pour tout le monde et c’est pas obligé non plus d’être vécu, il faut être « appelé » par ça, le sentir dans nos tripes), j’ai mangé un peu et dormi beaucoup, comme j’ai dit plus tôt. Pour me pousser et faire différent des autres cours, on finit par avoir nos patterns dans toute chose qu’on répète), je suis donc allée marcher dans la forêt cinq, dix, vingt minutes par jour, juste parce qu’habituellement, je fais pas ça… Ce fut un beau gros défi. En marchant dans le bois en silence, j’ai tellement réalisé de trucs… entre autres que j’avais jamais lu le livre de Martine, Époque, que ma mère m’a offert à Noël 2002.

Et là, ça s’est mis à débouler dans ma tête : tout ce que j’avais jamais fini, fait, dit, osé… tel truc que j’avais jamais écrit à telle personne… que j’avais arrêté de… que je ne faisais plus depuis mon enfance, depuis mon adolescence… que j’avais toujours voulu être clown, que j’exprimais jamais mes limites clairement, que je m’occupais des autres toujours en premier, que je répondais comme ma mère souvent : « Je sais pas, comme tu veux », et que ça me mettait en rogne! Je me suis arrêtée nette, parce que j’avais augmenté mon rythme de marche, et j’ai ouvert un nouveau post-it dans ma tête, une nouvelle liste à cocher : « J’ai jamais … », avec la ferme intention de cocher certains éléments tout simples en sortant de Vipassana et d’arrêter d’attendre ma retraite pour les faire. D’ailleurs, ça vient d’où, cette idée, ce concept ancré? J’en aurai pas anyway, de « retraite traditionnelle ». Pourtant, je suis totalement en harmonie avec mon mode de vie de travailleuse autonome, mais ce concept s’est collé dans mon cerveau… la société m’a conditionnée malgré tout.

Pour revenir aux claques dans’ face de mes 40 ans, il faut dire que l’acceptation de la maladie de son parent, peu importe la relation que nous pouvons avoir avec lui ou elle, et peu importe la nature de la maladie, c’est un processus en soi, un deuil. Ma mère ne corrigera pas ce texte, chose qu’elle faisait toujours avant avec professionnalisme, enthousiasme et joie. Ensuite, le décès d’une de mes profs d’université, une mentor… appris sur Facebook. J’ai été tétanisée pendant une heure dans un café devant mon écran à chercher la vérité et à me convaincre que ce n’était pas vrai : choc numéro deux! J’étais foudroyée… j’avais sur ma « to do », depuis 2007 : « Aller prendre un café avec Martine ». « Hé ben! Oublie ça ma vieille, y est trop tard! J’ai attendu tout ce temps-là… 2007, ça fait 11 ans … Quoi? Attends, j’étais où pendant ce temps-là… J’ai fait quoi de ma vie?! Trop occupée… ».

Ma vie comme une course folle

J’ai fait ben des choses, croyez-moi. Les gens qui me connaissent vous diront que je suis toujours sur une patte, la pédale dans le fond et que mon énergie est débordante… Oui, c’est vrai… J’ai vécu à fond la caisse, j’ai travaillé ma vie depuis que je suis née en répétant haut et fort que j’avais jamais l’impression de travailler, ce qui était totalement vrai… Parce que je faisais ce que j’aimais, j’ai créé mes projets, mon emploi, mes jobs, mes contrats, tous plus fabuleux les uns que les autres… mais ça n’exclut pas que je me suis vidée de mon énergie vitale. Parce que j’ai poussé la machine sans jamais me reposer, sans jamais prendre de vacances autres que monter le Kili, faire un trekking en autonomie complète en Patagonie après huit mois de travail acharné au Cirque du Soleil, et avoir déménagé le même jour que ledit départ; ou guider des voyages à Cuba et au Vietnam avec des groupes de 36 ados dont j’étais responsable avec mes collègues 24 h sur 24!

Vous êtes essoufflés juste à lire? Oui, moi aussi. Mais ça, c’était moi AVANT. On m’a surnommée « la pieuvre » pendant au moins trois ans … et je me présentais ainsi fière de mon image de pieuvre colorée qui peut tout faire en même temps et être partout à la fois. Oh, que j’étais fière de mon logo de pieuvre orange! Je me suis valorisée énormément dans le « faire » et pourtant je prônais le verbe « être » à fond mon Léon! J’étais incapable d’arrêter, droguée par l’adrénaline que toute MA vie me procurait. J’avais pas de limite, tout était toujours possible! Pour vrai, ça a fonctionné. Un événement après l’autre, parfois trois dans la même journée sans moment tampon, juste le temps de me rendre du point A au point B, ma vie comme une grosse course à relais (ça pourrait être le titre de mon autobiographie). Un agenda de ministre rempli à l’année, sans le salaire qui vient avec, bien entendu. Des voyages toujours plus intenses les uns que les autres, squeezés entre deux longs contrats, 12 projets de médiation culturelle qui impliquent 300 humains de 0 à 99 ans, doubler et tripler les statistiques d’année en année. J’ai levé les bras vers le ciel dans plus d’un parc de Montréal et du Québec pour célébrer la vie, la joie d’être ensemble, et j’ai dansé pour le plaisir… oh!, combien de dimanches matins pour le grand plaisir de tous, et le mien aussi évidemment? J’ai aimé ma vie à fond de train. Depuis ma naissance, on me répète : « T’es belle, t’es bonne, t’es capable », « Fais ce que tu aimes », « J’suis pas inquiète, ça va aller ». Quelle chance me direz-vous! Oui, depuis le secondaire mon slogan est « Carpe Diem ». Je l’ai saisi en masse, « le jour », depuis, croyez-moi. Les comités, les implications diverses, le bénévolat ici et outre-mer, un CV de trois kilomètres de long… qui fait peur à des employeurs ben straight.

Mais à l’inverse, ça crée un débalancement… un trop-plein. Un excès, un épuisement. En marchant, dans la forêt en mai dernier, je me suis arrêtée, encore, j’ai touché un arbre, fermé les yeux, senti la vibration monter. J’avais jamais fait ça. Je me suis dit : « J’ai 40 ans et je prends ma retraite! ».

En sortant de Vipassana, j’ai pris un post-it et un crayon et j’ai littéralement jeté tout ce que j’avais en tête sur ledit post-it : « J’ai jamais… ». La liste a pris forme très rapidement. J’ai senti une joie profonde et une envie de cocher plusieurs éléments. J’ai déterminé un bloc de quatre jours, une amie m’a prêté sa Westfalia et je suis partie en solo voir des amis. J’avais jamais fait ça. (J’ai trois choses de cochées sur la liste à ce moment précis.)

Vipassana

Album « J’ai jamais … »

Ce qui m’a aidé beaucoup : Ayurvéda, découvrir qui je suis vraiment, ma vraie nature et, enfin, sentir que je suis normale, Vata ascendant Pita, et vous ?

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Karine Cloutier
Ambassadrice Mandala